METTRE TOUTES LES CHANCES DE SON CÔTÉ POUR RÉUSSIR LA SAILLIE CHEZ LE CHAT
ÉMILIE ROSSET
DV, Dip. ECAR
École Nationale Vétérinaire de Lyon, 1 Avenue Bourgelat- 69 280 Marcy l'Étoile
Sur les 37 espèces de félins répertoriées, 36 sont à divers degrés menacés d'extinction. Le chat domestique, Felis catus, fait figure d'exception. Cependant, la reproduction présente certaines difficultés dans quelques races félines, par opposition aux chats européens.
Les connaissances sur la physiologie du chat ont beaucoup progressé ces dernières années, permettant ainsi une meilleure gestion du cycle sexuel de la chatte et donc un meilleur succès de la reproduction.
I) RAPPELS DE PHYSIOLOGIE SEXUELLE
1)LA PUBERTÉ
Chez la femelle
La puberté de la femelle survient à un âge variable souvent vers 9 à 10 mois, avec des extrêmes de 3 mois et demi à 18 mois, voire davantage.
Les facteurs influençant l'âge de la puberté sont:
• La saison: le premier oestrus survient généralement au cours du premier printemps suivant la naissance; en période de jours décroissants, l'activité des ovaires est inhibée par une hormone épiphysaire, la mélatonine;
• Le stade de croissance et le poids : un poids minimum moyen de 2,3 à 2,5 kg est nécessaire;
• L'environnement: la présence d'autres chats, notamment des mâles adultes, encourage l'apparition de la puberté; à l'inverse la surpopulation peut la retarder;
• La race : la puberté est généralement plus précoce chez les chats de races orientales, plus tardive chez les persans et races dérivées.
Chez le mâle
La puberté du mâle survient vers 8 à 10 mois, pour un poids minimum de 3 kg à 3,5 kg. Sa date n'est que partiellement influencée par la saison. Les premiers spermatozoïdes sont présents dans les tubes séminifères vers 7 à 9 mois. Dans certaines races, notamment chez les persans, la puberté physiologique ne coïncide pas parfaitement avec la puberté comportementale : un mâle, quoique fertile, se révèle trop immature pour être capable de réaliser un accouplement.
2) LA SAISON DE REPRODUCTION; LE RÔLE DE L'ÉCLAIREMENT
La femelle a une activité polyoestrienne saisonnière (les cycles se succèdent de février à septembre dans l'hémisphère nord). En automne et au début de l'hiver, la plupart des chattes n'extériorisent aucun signe de chaleurs; la situation est parfois différente chez les chattes vivant en appartement, sous éclairage constant.
Comme dans d'autres espèces, on peut modifier la saison sexuelle grâce à un éclairage contrôlé.
Le mâle a un comportement sexuel continu Il peut s'accoupler avec une femelle en oestrus toute l'année. Cependant son activité de recherche des femelles est augmentée dès le début de la période de jours croissants.
3) LE CYCLE SEXUEL
La chatte est une femelle à ovulation non systématique, généralement provoquée par le coït ; cependant les cas d'ovulation spontanée, sans accouplement, ne sont pas exceptionnels.
Il est possible de distinguer plusieurs phases dans le cycle sexuel : prooestrus, oestrus, dioestrus et anoestrus.
• Durant le prooestrus, la chatte présente un comportement de chaleurs (frottements de la tête et du cou, miaulements) mais refuse l'accouplement; la durée est de un à deux jours au maximum, parfois même le prooestrus est absent. Le prooestrus correspond à la phase folliculaire. Il se traduit par une sécrétion d'oestrogènes.
• L'oestrus est caractérisé par des modifications comportementales : les manifestations s'accentuent, la femelle cambre le dos, miaule beaucoup et présente sa vulve, et elle accepte le mâle; la durée est en moyenne de 5 à 6 jours (parfois davantage). L'oestrus de la chatte commence au pic d'activité folliculaire. La durée de l'oestrus n'est pas modifiée par la survenue ou non d'une ovulation.
Le cycle est ensuite variable selon si la chatte a ovulé ou si elle est gestante
-En cas d'absence d'ovulation, l'épisode de chaleur est suivi d'un inter-oestrus allant de quelques jours à 2 semaines (variable selon les races) et le cycle recommence jusqu'à l'anoestrus hivernal.
- Si la chatte ovule mais en l'absence de saillie fécondante, il y a élévation progressive du taux de progestérone et la chatte entre en pseudogestation durant 40 jours
-Après une saillie fécondante, il y a également élévation du taux de progestérone et la chat te est gestante durant 63 jours environ (61 à 70 jours).
• L'anoestrus saisonnier correspond à l'état de repos des ovaires et du tractus génital qui survient entre deux saisons sexuelles. Il dure environ 2 à 5 mois, correspond à une sécrétion hormonale basale et est variable en fonction de la race des chattes et de l'éclairement.
Il) LE SUIVI DE CHALEURS
Chez la chatte. la femelle est amenée au mâle classiquement au deuxième jour après le début des manifestations de chaleurs. Pour améliorer les chances de réussite, on peut réaliser chez son vétérinaire un suivi folliculaire grâce à des frottis vaginaux et/ou des échographies ovariennes.
1) LE FROTTIS VAGINAL
Il est possible de réaliser des frottis vaginaux chez une chatte.
Ses caractéristiques sont semblables à celles observées chez la chienne mais la probabilité de faire ovuler la chatte est grande par ce biais. De plus, le stade de croissance folliculaire ne peut être relié aux caractéristiques du frottis vaginal observé. De fait, il est peu utilisé.
En prooestrus, il est courant d'observer une kératinisation des cellules inférieure à 50 %, la majorité des cellules étant constituées de cellules basales et parabasales (cellules rondes et à gros noyau) et intermédiaires (cellules plus angulées et dont la taille du noyau diminue). Le fond du frottis est en général muqueux et de nombreux érythrocytes sont présents, parfois des polynucléaires neutrophiles, en faible nombre.
En oestrus, les cellules kératinisées (cellules très angulées, en forme de « corn flakes » avec un noyau picnotique ou absent) deviennent majoritaires et se regroupent en amas. Les cellules parabasales et intermédiaires se raréfient et le mucus disparaît peu à peu. Chaque femelle est différente et il est impossible de prédire avec précision le moment de l'ovulation par la seule observation d'un frottis caractéristique d'oestrus.
2) L'ÉCHOGRAPHIE OVARIENNE
Le suivi de la croissance folliculaire par échographie apporte des précisions supplémentaires par rapport aux frottis. Elle est très utile lorsque le mâle utilisé est loin ou lorsque la saillie a beaucoup de valeur. Cependant elle nécessite l'utilisation d'échographes perfectionnés et demande une technicité importante de la part du vétérinaire. Enfin, elle n'est réalisable que sous la forme d'un suivi échographique d'examens rapprochés tous les jours voire toutes les 12 heures.
À l'image échographique, les follicules ovariens apparaissent comme des structures rondes noires avec une taille augmentée durant l'avancée des chaleurs. Lors du pro-oestrus: l'ovaire augmente progressivement de taille et de nombreux petits follicules à paroi mince (2 mm) sont présents. En période préovulatoire, le nombre de follicules diminue et leur taille augmente (3 mm).
A l'ovulation, les images folliculaires disparaissent en totalité (l'ovaire devient difficile à visualiser pendant 24 à 48 heures).
En anoestrus, l'ovaire est difficile à mettre en évidence car de petite taille et les structures folliculaires sont très petites (elles sont inférieures à 2 mm). Chez la chatte, l'échographie semble être la technique la plus fiable pour déterminer le stade de croissance folliculaire.
Ill) CONDUITE DE LA SAILLIE
1) CHOIX DES REPRODUCTEURS
En conditions optimales, plusieurs femelles peuvent mettre bas jusqu'à deux fois par an, à n'importe quelle période de l'année.
Cependant, la nouvelle règlementation impose aux éleveurs qu'une reproductrice n'ait pas plus de 3 portées en 2 ans. La période la plus fertile se situe entre 2 et 5 ans. En effet, au-delà de 7 ans, les cycles sont généralement moins réguliers, les portées moins nombreuses et les risques d'avortement ou de malformations sont plus importants. L'expérience joue un grand rôle dans la réalisation d'une saillie. Un chat accoutumé à cette activité sait attendre que la femelle soit suffisamment réceptive pour être saillie sans peine. Il est utile de l'habituer à accepter la présence d'un humain pour superviser l'accouplement. Certains étalons sont capables de saillir alors que leur maître maintient la chatte, ce qui peut se révéler fort utile dans le cas de femelle récalcitrante.
Il vaut mieux utiliser un jeune étalon pour les reproductrices de l'élevage afin de le former et de voir ses produits avant de le proposer en saillie extérieure.
2) CONDITIONS DE LA SAILLIE
La conception du local de saillie est très importante. Si la pièce est vaste et offre des possibilités de se cacher, nul doute qu'une femelle effrayée va passer tout son séjour blottie dans un coin inaccessible. Il est préférable que les partenaires soient mis en présence dans un petit local, laissant libre accès et libre circulation à l'étalon.
Si les reproducteurs ne vivent pas au même endroit, c'est généralement la femelle qui se rend chez le male. Le chat est un animal territorial: pour réaliser une saillie, il a besoin de se trouver dans son environnement habituel, qui lui est familier par sa configuration et par les balises odorantes (marquage facial et urinaire) qu'il y a laissées. Il est important de mettre les partenaires en contact dès le début des chaleurs car présentée plus tard, la femelle risque de subir la fin (physiologique) de sa période d'oestrus avant que son adaptation (psychologique) au milieu ne lui permette d'accepter l'accouplement.
La femelle en chaleurs ne doit avoir accès qu'à un seul mâle. En cas d'accouplement avec plusieurs mâles, des chatons peuvent naître de pères différents, c'est la superfécondation. Un test de paternité par analyse ADN est alors nécessaire pour déterminer la filiation de chaque chaton.
3) DEROULEMENT DE LA SAILLIE
L'étalon, dès que la diminution de l'agressivité de la chatte le lui permet, la flaire, s'approche latéralement, la chevauche d'un mouvement vif accompagné d'un miaulement ou d'un roucoulement, et saisit entre ses dents la peau de la femelle en avant du garrot. Cette prise a pour effet d'immobiliser la femelle en oestrus. La chatte se couche sur le ventre pour adopter la position de lordose caractéristique de l'acceptation de la saillie, en déviant sa queue pour permettre l'introduction du pénis.
Le chat la chevauche et, après deux ou trois poussées du bassin, la pénètre et éjacule très rapidement: la saillie ne dure que 10 à 15 secondes. La chatte se dégage en poussant un cri perçant caractéristique (cri post-coïtal) et se retourne violemment contre le mâle qui se retire prudemment pour ne pas être agressé. La femelle se roule alors convulsivement sur le sol pendant quelques minutes, s'étire et réalise une toilette génitale. La plupart des chattes résistent à un nouvel accouplement et se montrent agressives avec les mâles durent une vingtaine de minutes; certaines femelles toutefois acceptent très rapidement une nouvelle saillie, dès la fin de la période d'excitation. Le mâle, lui, respecte en général une période de repos de 5 à 15 minutes avant de tenter une nouvelle saillie
La stimulation des zones génitales déclenche un réflexe neurohormonal, à l'origine d'une libération de LH par l'anté-hypophyse, responsable de l'ovulation dans les 24 à 30 heures suivantes.
Ce mécanisme n'est généralement mis en jeu qu'après plusieurs accouplements d'une durée suffisante. À la surface des ovaires, les follicules se rompent et libèrent les ovocytes. Les restes des follicules à la surface de l'ovaire se transforment en corps jaunes, qui sécrètent de la progestérone, hormone nécessaire au maintien de la gestation. Une méthode efficace consiste à faire accoupler la femelle trois fois par jour (à intervalles d'environ 4 heures) les deuxièmes et troisièmes jours du cycle oestral. Cette démarche induitune ovulation chez plus de 90% des chattes. Une autre méthode dont l'efficacité est reconnue est de laisser les chats s'accoupler librement pendant de courtes périodes tout au long des 3 jours de l'oestrus.
Une bonne connaissance de l'espèce féline et de son comportement sexuel permet, la plupart du temps, d'obtenir une gestation.
Cependant, parfois, la saillie ne se fait pas pour des raisons médicales. Par exemple, toutes les affections douloureuses de l'appareil génito-urinaire mâle (calculs urinaires, inflammation ou infection de la zone ano-génitale) contrarient le comportement sexuel mâle. Enfin, si ce dernier a des douleurs au niveau de la colonne vertébrale ou des hanches l'empêchant de se prendre appuis sur ses postérieurs, il risque de refuser la saillie. Il en est de même si le chat a une gingivite ou une stomatite qui empêchent la morsure.
Enfin, certains médicaments (progestatifs, anabolisants, certains fongicides, corticoïdes ... ) sont souvent responsables d'infertilité.
Dans ces cas-là, l'intervention du vétérinaire est parfois nécessaire.
REFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
1. Brown JL. Female reproductive cycles in wild female fe/ids. Anim Reprod Science, 2011: 124; 15.2. Fontbonne A et al. Ovulation in the domestic cat: induced, spontaneous or both? in 8th International Symposium on Canine and Feline Reproduction. Paris; 2016:64.
3. Malandain E et al. Guide pratique de l'élevage félin. Royal Canin 344 pp.
4. Johnson 50, Root Kutritz MV, Oison PNS. Canine and Feline Theriogenology. 1st ed. Philadelphia, PA: Saunders; 2001: 592pp.
• DÉCLARATION PUBLIQUE D'INTÉRÉTS SOUS LA RESPONSABILITÉ DU OU DES AUTEURS : NÉANT
Source : Rencontres AFVAC 2016