LIMITER L'IMPORTANCE DES MALADIES GÉNÉTIQUES
GILLES CHAUDIEU
Dr Vét, Dip ECVO, DESV Opht
F-63100 Clermont-Ferrand
I) VALEUR D'UN PROCESSUS SÉLECTIF
La valeur d'un processus sélectif se mesure à la maîtrise de l'éleveur dans la production de sujets sains conformes au type racial, les risques d'apparition et transmission de caractères morbides étant par ailleurs contenus dans l'effectif concerné.
Le principe de sélection réside dans le choix et l'utilisation de reproducteurs «en vue de la conservation et de l'amélioration d'une population donnée» (B. Denis).
Dans les faits, sélection est devenue synonyme d'amélioration, c'est à dire l'obtention d'une "population nouvelle issue de la précédente pour tout ou partie et mieux adaptée qu'elle aux objectifs visés" (J .C. Sournia) : le respect des critères de conformité au standard, une faible fréquence de maladies génétiques invalidantes attestent de la réussite du processus.
II) LE PREMIER MESSAGE A FAIRE PASSER EST UNE RECOMMANDATION GENERALE
Il faut se préoccuper, en particulier dans les races qui paient actuellement un lourd tribut à la production d'hypertypes, de ne pas produire des chats dont la construction anatomique constitue un handicap pour leur santé.
Ce serait une erreur que d'accorder trop d'importance à une maladie, même invalidante, en négligeant ce qui conditionne tout le reste : le bon état physique, donc le bien-être du chat.
III) QUELQUES MESURES PEUVENT ÊTRE RECOMMANDEES :
• Prendre des précautions dans la rédaction des standards de race, soigner la formation des Juges pour qu'ils n'interprètent pas ces derniers de façon extrême ou tout simplement inappropriée : des maladies héréditaires d'origine polygénique sont associées à certains types raciaux car favorisées par ces derniers si la production de reproducteurs hypertypés est privilégiée comme garante de récompenses en concours.
• Ne pas confondre l'intérêt de la race et celui d'un élevage, en particulier avec l'utilisation d'étalons très sollicités pour les raisons évoquées au point précédent : la consanguinité est nécessaire pour fixer des caractères intéressants dans un élevage, mais la réduction de la variabilité génétique au niveau racial favorise l'expression de mutations alléliques responsables de maladies héréditaires récessives, en particulier lorsqu'une pression de sélection trop forte est imposée à un petit effectif.
• Inclure dans le programme d'élevage et sélection d'une race, dans le respect des critères de cotation adoptés en termes de beauté et de caractère, un nombre aussi important que possible d'individus dont les performances et le statut en matière de santé génétique est connu (taux de consanguinité, dépistages effectués, maladies héréditaires présentes dans la lignée si c'est le cas ...)
• S'assurer, avant de mettre en place les mesures de dépistage d'une maladie héréditaire au sein d'une race, que cette maladie constitue un réel problème dans l'effectif considéré: ces mesures ne se justifient que si la race est concernée par une maladie héréditaire invalidante, mais elles doivent être prises dès l'apparition des premiers cas, notamment pour les maladies héréditaires récessives;
• S'assurer de la fiabilité de la (des) méthode(s) choisies(s) et du coût additionnel imposé au «produit fini> (in fine le chiot ou chaton vendu) : d'une manière générale, les méthodes simples de diagnostic, lorsqu'elles sont très informatives (examen de la forme et de la taille de l'ouverture des narines ou de la denture et de son support osseux, auscultation cardiaque permettant de mettre en évidence et de localiser un souffle, mise en évidence d'un déficit visuel de nuit par l'observation du chat en milieu inconnu ... ), voire suffisantes (palpation et manipulation du grasset pour la luxation de la rotule, repérage à l'oeil nu d'une microphtalmie .. .) sont à mettre en oeuvre de façon impérative: elles sont économiquement et scientifiquement intéressantes. Dans beaucoup de cas, elles sont à compléter d'examens cliniques et/ou complémentaires spécifiques: radiographie pour les affections ostéo-articulaires ; échocardiographie pour les affections cardiovasculaires; biomicroscopie, ophtalmoscopie indirecte, électrorétinographie, fluoroangiographie, écho-ophtalmographie pour les affections oculaires; potentiels évoqués auditifs pour la surdité... ; tests génétiques lorsqu'ils existent. Ces examens sont dûment certifiés par le praticien qui les réalise après contrôle de l'identité du (des) chat (s) soit durant l'examen, soit au moment du prélèvement pour un test ADN ;
Dans le cas d'une maladie héréditaire transmise sur le mode récessif, explorable par un test génétique dédié, identifier de façon certaine les individus génétiquement sains, mais aussi et peut être surtout identifier et utiliser de façon raisonnée les porteurs, lorsque ces derniers expriment des caractères morphologiques ou comportementaux intéressants, favorables au niveau de l'élevage (notamment dans une race à faible effectif) : un sujet hétérozygote remarquable pourra être utilisé en reproduction à la condition de limiter le nombre de portées, limiter la consanguinité, et surveiller génétiquement la descendance. L'éleveur pourra ainsi réduire progressivement la fréquence de la maladie considérée dans la race, sans exclure de la reproduction des lignées intéressantes, sans favoriser excessivement d'autres origines, avec le risque de réduire la diversité génétique de la race et de voir émerger d'autres maladies génétiques.
• DÉCLARATION PUBLIQUE D'INTÉRÉTS SOUS LA RESPONSABILITÉ DU OU DES AUTEURS : NÉANT
Source : Rencontres AFVAC 2016